N°34 mars - avril 06 |
Résumé des premières navigations dans le Pacifique de mars à avril 2006 avec les escales aux perlas, Coco, Galapagos et la grande traversée sur les Marquises.
Après 5 jours passés à faire les derniers préparatifs pour le grand départ dans le Pacifique, nous quittons Panama City et la Marina de Flamenco le 10 mars 2006. Nous gardons un excellent souvenir de notre séjour au Panama, un pays varié avec bien sûr de grandes inégalités sociales, mais qui assure sa stabilité grâce au trésor que représente le Canal de Panama. 35 miles au Sud-Est, se présente l'archipel des Perlas. Avec les bateaux Tangara et Laura, Jean-Philippe à notre bord, nous faisons escale à l'Île Casaya, au mouillage de Cana Cuenta. Des îles pour la plupart inhabitées au paysage original. Très peu de bateaux. Des plages entourées de roches volcaniques noires toutes faïencées par l'érosion. La forêt est partout, beaucoup de feuillus, des papayers, pas de cocotiers. Un marnage de près de 4 mètres et une eau trouble, glacée par les effets du courant de Humboldt. C'est la saison de la ponte et la mer est envahie par des nuages rouges et des oeufs bruns et transparents. Nous ne resterons que 2 jours aux Perlas, qui en mériterait bien plus.
Le 12 mars, après un départ merveilleux à la voile avec un vent de travers de 15 nuds dans le vaste Golfe de Panama, nous accomplirons le reste des 535 miles jusqu'à l'Île Coco au moteur sur une mer d'huile. Une option de navigation bienheureuse, choisie en fonction des risques d'attaque de pirates colombiens sur la route directe sur les Galápagos. Encore des "on-dits" de marins, pas franchement vérifiés. Mais par 5°33,7 Nord et 87° 02,1 Ouest, l'Île Coco, c'est Jurassic Parc !!! Cette Île est une réserve naturelle et n'est habitée que par la station de surveillance des autorités du Costa Rica située à Wafer Bay. Des représentants très sympathiques prêts à rendre service à leurs rares visiteurs. Nous sommes les seuls voiliers au mouillage de Shatam Bay. La forêt tropicale est partout. Les frégates, fous de Bassens, sternes nous survolent. Par 8 mètres de fond, des requins-marteaux sont immobiles sous le bateau. Le coût du séjour est salé; 25 US$ pour le bateau, 25 US$ par personne par jour à partir de 8 ans. Mais nous nous souviendrons longtemps de notre escalade dans les collines pour trouver la fraîcheur d'une belle cascade de près de 40 mètres.
Le 18 mars, nous quittons l'Île Coco pour accomplir les 435 miles jusqu'à l'île de Santa Cruz aux Galápagos. Mer d'huile, au moteur. Nous traversons la ZIC (zone intertropicale de convergence) avec son lot d'orages et d'éclairs. La pêche est assurée. La navigation fait l'objet de réglages permanents en fonction de la variation des courants. À laube du 21 mars, nous mouillons difficilement au milieu de plus de 20 voiliers, yachts et autres grosses barges pour touristes dans la Baie de Santa Cruz, devant le village. Un mouillage qui peut être bien rouleur pour les monocoques. Nous sommes surpris par toute cette animation, nous qui pensions que les Galápagos étaient super-protégés. On se dirait à l'Île Mujeres au Mexique à l'exception de nos premières otaries qui sont affalées sur les barques de pêche. Les papiers d'entrée se font à la Capitainerie avec les représentants de la marine équatorienne. Longs et compliqués, la liste des taxes à payer est longue. Le tout à la tête du client. La prime est basée sur le tonnage des bateaux. Mais comme les autorités sont incapables de déchiffrer nos actes de francisation, ils se basent sur le dernier "Zarpe" (papiers) de sortie du Panama. Le nôtre indique 9 t (tonnes). Nous annoncerons 9 tonneaux !!!! Nous payerons 87 US$. Pas de chance pour Tangara dont le "zarpe" indique 36 tonneaux. Il payera 260 US$ !!!! Le village est très accueillant. Boutiques, restaurants, artisanats, épiceries, marché, distributeurs et même quelques magasins industriels, comme la Botega Blanca ou Electro-Nautico où nous trouverons de la robinetterie, une nouvelle batterie pour notre VHF portable et un nouveau moteur HB Yamaha de 25 CV pour 2'400 US$ (hors taxes) en remplacement de notre 15 CV en panne. Le coût de la vie est très avantageux. Le diesel se paye 1,5 US$ le gallon (=3,8 litres). Les taxis coûtent 1 US$ et les water-taxis 0,5 US$. Nous visitons le Centre Scientifique de Darwin et ses tortues terrestres centenaires, ainsi que l'intérieur des terres avec des tunnels de lave de près de 6 mètres de diamètre et des cratères circulaires à près de 800 mètres d'altitude où il fait frais avec des terres vertes et fertiles qui produisent des fruits et des légumes à profusion. L'histoire de la terre se déroule sous nos yeux. Nous visitons l'une des quelques plages de l'île, Garrapatero Beach, accessible après un long trajet en taxi. La plage de Los Perros nous offre le spectacle extraordinaire des colonies d'iguanes marins et des Fous à pattes Bleues.
Le 28 mars, après 2 mois de séjour à bord, Jean-Philippe nous quitte avec regrets. Un ami parfait qui a su côtoyer une famille où la vie n'est pas toujours un long fleuve tranquille. Nos amis navigateurs, Catimini, Téa et Méroé nous ont rejoints, juste avant notre départ pour l'Île d'Isabela, Puerto Villamil, 48 miles à l'Ouest, seul autre mouillage autorisé avec celui de l'Île de San Cristobal au Sud-Est. Sur la route, les cannes à pêche crépitent, mais les prises sont tellement grosses qu'elles emportent tous les appâts. 27 bateaux se retrouvent au mouillage, prêts pour la traversée sur les Marquises ou les Gambiers. Des otaries partout. À chaque changement de mouillage, il faut refaire la clearance à la capitainerie. Encore pire qu'à Santa Cruz. Ici, une fois tu payes au tonnage, une fois à la longueur, une fois au nombre de jours qui peuvent être limités à quelques jours selon le nombre de bateaux. Nous payons cette fois 56 US$. Contrairement aux rumeurs, quelques épiceries permettent de se ravitailler en frais pour autant que l'on attende les passages du cargo qui passe tous les 15 jours. Le village est sans âme. De grandes rues en sable volcanique, quelques arbres, des maisons en briques, sans charme. Une atmosphère de bout du monde, de terminus. Pas de débarcadère proche du village. Même l'accostage avec les annexes est dangereux et praticable seulement à marée haute. Mais la nature est exceptionnelle. À travers les rochers volcaniques parsemés de canaux praticables par marée haute, nous nous approchons avec les annexes pour observer les espèces d'animaux. Iguanes marins, fous à pattes bleues, manchots maladroits. Il est même possible de nager avec de jeunes otaries dans un bassin d'eau calme. L'excursion au sommet du volcan Sierra Negra est un must. Pour 20 US$ par personne, deux bus amènent notre groupe de 13 personnes à 800 mètres d'altitude au rendez-vous des chevaux. L'aridité de la côte fait place à une forêt mixte, luxuriante où bananiers et énormes feuillus se côtoient. Une maison, un ranch par-ci, par-là. à travers le maquis, au bout d'une heure, c'est l'arrivée au bord du cratère du volcan Sierra Negra - Santo - Thomas à 1'400 mètres daltitude. Un diamètre de 11km qui en fait le 2ème cratère du monde après le Ngonrongo en Afrique. La dernière éruption date de 1973, mais le 22 octobre 2005, 5 cônes, à l'intérieur du cratère principal, ont déversé de la lave et du magma qui ont recouvert la moitié de la surface. Hallucinant, des cheminées de gaz fument encore. La ballade à pied dans le dédale de lave des flancs du volcan est fabuleuse. Tunnels de lave, différents minéraux, odeurs de soufre, eaux chaudes, cônes d'explosion. On essaye d'imaginer la puissance et le déroulement des explosions. Le retour au galop fini à merveille cette excursion. Le 6 avril, nous visitons en "lancia" le site de "Los Tunnelos" en bord de mer à l'Ouest de l'île. Frissons garantis au passage des déferlantes à pleine vitesse qui nous emmène dans une zone calme de tunnels de lave où vivent des dizaines de tortues marines. Des paysages magiques. Nous préparons la route pour la traversée du Pacifique en suivant les conseils de Jimmy Cornell et son guide des grandes croisières. Une route pratiquement en ligne droite sur les Marquises qui évite une zone réputée mauvaise entre les 90° - 95° W et 3° - 8° S. Juste avant le départ, impossible de trouver du diesel sur place. C'est grâce aux amis que nous pouvons faire le plein en complétant les réservoirs. Nous partons avec 260l dans les réservoirs et 20 jerricans de 20l. Une réserve nécessaire. Le samedi 8 avril 2006, nous quittons les Galápagos en espérant mettre 20 jours pour accomplir 2'937 miles. Nous partons en compagnie des bateaux Laura, Tangara et Catimini. Méroé est en route pour les Gambiers. 4 premiers jours en grande partie au moteur (1,25l / h à 1'800 tours). Waypoints ; 02°S - 92° W et 5° S - 100° W, puis cap au 261° droit sur les Marquises. Les rendez-vous à la radio BLU rythment les jours. C'est une aide morale importante. Vivianne l'apprécie énormément, elle qui se sent mal toute le 1ère semaine. Il est vrai qu'elle n'a jamais voulu faire cette traversée. Le 5ème jour, nous traversons notre premier coup de vent. 35 nuds de SE dans une mer épouvantable. Cet océan n'a que le nom de pacifique. Finalement, il faut descendre au 06° S pour trouver du vent. Dès le 7ème jour, nous avons du vent entre 13 et 20 nuds. Nous marchons entre 6 et 10 nuds. La pêche est bonne et régulière avec un record, un marlin voilier de 40kg. Nous nous souviendrons toujours du 8ème jour en soirée, dans la nuit, sans lune, à 19h00 locale, lorsque tout s'est éteint à bord. Moment de panique. Solidarité, recherche de l'essentiel. Il nous faudra 1 heure pour supprimer la panne d'énergie due à notre coupe-circuit général défectueux. Nous naviguerons jusqu'à la fin avec des câbles reliés directement du parc de batteries au tableau électrique. Le lendemain, Vivianne envoie des nouvelles aux amis par sailmail. Extrait de son mail qui en dit long;
"Il est quatre heures du mat, et je fais mon quart dans un état de stress et d'angoisse incommensurable. Tu ne peux pas t'imaginer la peur que nous avons subi vers 19h00 ce soir, c'était la nuit totale pour nous. Tout à coup, nous nous sommes retrouvés sans électricité, ce qui veut dire, plus de GPS, plus de pilote, plus de lumière, plus d'instruments de navigations, la boussole pour naviguer dans le noir complet. Nous étions sous moteur, pour faire notre énergie, Jacques se précipite dans les batteries pour vérifier, moi à la barre pour tenir le cap. Impossible de se repérer sans une lampe frontale pour suivre le cap sur la boussole, je panique, je n'arrive pas dans un premier temps à corriger ma route, l'angoisse. Il faut économiser nos piles pour les lampes de poche, Jacques me dit de suivre la route par rapport à un Orion dans le ciel, un moment je perds Orion, on empanne, galère, je n'avais pas remarqué qu'un nuage venait de cacher mon point de repère. Dans tout ce stress, notre Babou commence à paniquer et à pleurer, il me dit "maman, maintenant on est perdu, nous n'avons plus de GPS pour nous diriger, papa il faut absolument qu'il répare la panne, j'ai trop peur, maman. Je lui dis :" ne t'inquiète pas, super papa, va nous sortir de là". Il finit par se calmer un petit peu, et fait preuve d'une grande aide pour nous. Il cherche du matériel avec sa lampe frontale pour aider son papa. Au bout d'une heure d'angoisse, l'électricité revient, Babou et moi, on crie très fort "merci papa, tu es le plus fort".La cause de cette panne était due à un court-circuit dans les batteries, je te passe les détails, mais Jacques a réussi à court-circuiter tout cela en se connectant sur un autre chargeur de batteries, réparation de fortune, pour la nuit. On avisera demain matin, pour voir si on peut réparer cela définitivement. Dans cette horreur, évidemment qu'il y avait une mer de merde avec des creux énormes et un vent très fort, tu m'imagines à la barre......
Heureusement, nous avons un contact BLU par radio avec d'autres navigateurs toutes les 4 heures, dès la panne réparée, nous avons eu un pote en ligne, c'est un excellent technicien, il a pu aider Jacques pour lui donner des conseils pour sa réparation de demain matin. Maintenant, il a notre n° de téléphone par satellite, il peut nous joindre si nous n'étions plus en radio.
Tu vois en analysant cette panne qui est la pire que nous puissions avoir, nous n'étions pas prêts à survivre, si Jacques n'avait pas pu réparer. Encore 12 jours de mer à barrer tous les deux, nuits et jours, un GPS de secours qui se charge sur du 12 volt inutilisable (le seul disponible était celui qui date de 12 ans dans notre sac de survie), pas de moyen à long terme pour s'éclairer, etc... Nous avons donc constaté qu'il fallait faire une liste de tout ce qui nous aurions besoin pour une prochaine fois et nous allons y remédier dès notre arrivée aux Marquises.
Maintenant, je peux te dire que je vais me mettre quelques jours sous anxiolytique, j'ai trop peur, tout me fait peur, une autre panne ou je ne sais quoi encore. Il faut dire que cette traversée n'est pas facile du tout, les conditions de mer sont à chier en ce moment. Je mettais pourtant au bout d'une semaine, bien mise dans le coup, j'allais bien dans ma tête, mais tu vois mes angoisses des premiers jours étaient quelque peu fondées. De plus, cette foutue traversée, je ne voulais pas la faire, je savais peut-être pourquoi ?. Je me dis des fois, comment nous pouvons faire subir cela à notre adoré Babou, je me le demande. Je suis fatiguée, et me réjouis d'arriver aux Marquises et de me poser quelques jours à méditer sur notre avenir de navigateurs. En tout cas, je sais qu'après cette traversée, nous n'aurons plus à subir autant de jours de mer, terminé.
J'en finis là pour ce soir en espérant n'avoir plus jamais l'occasion de t'écrire des horreurs pareilles." Mais il faut bien continuer. Le vent ne nous lâche plus. Nous battons notre record de distance en 24 heures. 210 miles, plus de 8 nuds de moyenne. Nous naviguons plusieurs jours avec parfois 3 ris dans la grand-voile. La mer est une machine à laver, des creux de 4, parfois 6 mètres. Quelle déception ce Pacifique. Pratiquement tous les bateaux ont leurs lots de problèmes techniques. L'entraide par BLU est parfaite, une belle solidarité entre marins. Dès le 15ème jour, à 713 miles de l'arrivée, le vent passe plein Est et faiblit. Nous sommes plein vent arrière, une galère pour les catamarans sans spi comme nous. Jusqu'à la fin, nous nous appuierons régulièrement au moteur. Mais le rythme, les habitudes sont pris, Benjamin fait son école, regarde des films, fait son calendrier de la traversée, dort comme un loir. Vivianne est admirable, cuisine, nettoie, fait son quart de nuit de 03h00 à 06h00. Durant la traversée, nous changerons 3 fois de fuseau horaire en finissant par avoir un décalage de 03h30 entre les Marquises et les Galapagos. Jusqu'au 17ème jour, nous serons proche du bateau Laura, pas plus de 15 miles de distance. Nous les distancerons sur la fin en raison de leur manque de diesel. Une importance vitale.
Le 27 avril 2006, nous passons le waypoint d'atterrissage 09° 48,4 S et 138° 44,0 W à proximité de la côte SE de l'Île d'Hiva Oa. Il est 16h30 lorsque nous mouillons dans la Baie de Atuona, bien encombrée par les voiliers qui arrivent chaque jour. Ancre avant et ancre arrière sont de rigueur pour rester face à la houle qui pénètre dans la baie et pour des raisons d'évitage. Nos amis de Tangara nous accueille quel bonheur. Même si Babou est tout surpris d'être déjà arrivé. Nous avons mis 19 jours et 07heures pour accomplir 2'940 miles, du 6,4nds de moyenne. Ce jour-là, pour la première fois depuis les Galápagos, Vivianne et moi dormons ensemble dans notre cabine.
La découverte fabuleuse des Marquises et de la Polynésie Française nous attend, c'est l'objet des news n° 35.
Amitié à tous
Jacques, Vivianne et Benjamin
Les photos de notre escale à l'archipel des Perlas
Les photos de notre escale à l'Île Coco
Les photos de la découverte des Galapagos
Les photos de la traversée du Pacifique des Galapagos aux Marquises
Vous pouvez toujours nous joindre ; info@objectif-iles.com
et sur notre portable 0041 79 504 65 08
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